Le mot du Maire
Je suis heureux de vous retrouver à Agen pour cette quatrième édition des Rencontres philosophiques Michel Serres. Cet événement s’ancre chaque année d’avantage dans le paysage intellectuel français et fait d’Agen, pendant quelques jours, un centre culturel et intellectuel bouillonnant.
Ces rencontres sont une invitation à faire la paix dans toutes les dimensions de l’humanité : sur terre, entre les hommes, dans la cité et même dans la vie intime.
Nous ne pouvions rendre un meilleur hommage à Michel Serres que celui-là tant l’urgence de la Paix tient une place centrale dans sa doctrine. Le cœur de la pensée à la fois géopolitique et écologique de Michel Serres, c’est l’urgence absolue à arrêter l’anthropocentrisme violent qui nous pousse inlassablement vers les guerres fratricides pour enfin se mobiliser sur le contrat à passer entre les hommes et la Nature. Il appelait de ses vœux un élan titanesque pour que l’Humanité se dote des institutions, des traités pour mettre en œuvre ce contrat de paix. Cette année, nous participons modestement à cet élan.
Lorsque nous avons choisi ce thème, nous n’avions pas encore été heurtés par l’actualité politique de ces derniers mois, mais nous en ressentions déjà les prémices. Appeler à faire la Paix, maintenant, c’est fournir un nécessaire effort de médiation. C’est effectuer un travail sur nous, entre nous et pour nous, avant que le point de non-retour soit atteint et que la Paix devienne accessoire.
Au moment où partout dans le monde et dans notre société, la conflictualité gagne du terrain et la guerre apparait comme un exutoire, soyons à contre-courant et faisons la Paix.
Je vous souhaite de belles et de riches Rencontres Michel Serres et je vous invite à en profiter pour découvrir Agen et son hospitalité, découvrir notre patrimoine historique, notre gastronomie et notre esprit de partage !
Amitiés agenaises,

Le mot du président
Michel Serres était un optimiste.
Avec lui, constatons la baisse ces dernières décennies du nombre d’humains disparus de mort violente, à cause des guerres ou des épidémies.
Les guerres ne sont plus totales, ni mondiales : elles sont plus localisées, plus réticulaires. Nous n’en vivons pas moins à l’ère du conflit hyperbolique. Le conflit est partout, dans nos démocraties, dans la rue et sur la toile, dans nos relations avec la nature et le vivant qui ne cessent de se dégrader (2023 fut encore une année record pour la consommation d’énergies fossiles), et voici maintenant que la guerre entre les peuples revient dans sa forme la plus archaïque, en Ukraine comme au Proche-Orient.
Alors s’il n’y avait qu’un vœu à former pour l’avenir, il serait celui-ci : que les fabricants de paix se mettent enfin à valoir plus cher que les marchands d’armes à la bourse des valeurs. Des marchands d’armes, on en trouve à tous les coins de rue : il y a les trafiquants de kalashnikov qui ne se sont jamais aussi bien portés. Mais il y a aussi, plus ordinaires, les semeurs de haine, planqués derrière leur ordinateur ou leur smartphone qui, par leurs paroles, leurs trucages, leurs pétitions malhonnêtes, leurs vérités hémiplégiques quand elles ne sont pas des faits alternatifs, attisent les affrontements entre les peuples, au sein des peuples, dans nos existences intimes, dans nos chairs aussi.
Face à ce tsunami belliqueux que pèsent et que peuvent les fabricants de paix ?
Celles et ceux qui cherchent inlassablement à réconcilier des peuples qui se haïssent, à réparer des corps déchirés comme le docteur Mukwege, mais aussi les médiateurs et les fonctionnaires qui découragent les émeutiers de brûler l’école du quartier, les maires ruraux qui calment les conflits de voisinage, les juges, les psychiatres et les avocats qui rétablissent la paix conjugale et protègent les enfants, les écologues et les paysans qui reconstituent des havres de biodiversité ? Ceux-là sont trop peu écoutés. Tant qu’on préfèrera le commerce des armes à la fabrication de la paix, notre monde ira de Charybde en Scylla. Bien sûr, les conflits ne sont presque jamais symétriques : il y a les agresseurs et les agressés. Mais si, au lieu de rendre coup pour coup toujours, on se mettait plutôt à rechercher les voies de la paix ?
À la mégalomanie des marchands d’armes doit répondre la méticulosité des fabricants de paix. Qui recousent point par point les existences lacérées, les écosystèmes ravagés, les sociétés déchirées. Ceci n’est pas de l’irénisme. La paix absolue n’existera jamais. Mais il est temps de donner leur vrai prix aux artisans, aux praticiens, aux pratiquants plus qu’aux croyants de la pacification. C’est ce que nous avons voulu faire en les conviant cette année dans notre agora agenaise.
Bon festival à tous !
